SOURCE VRAIE DE LA PATIENCE – Saint Augustin

patience

Mais il faut savoir d’où nous vient la patience véritable et qui mérite d’être appelée de ce nom; car il y en a qui l’attribuent aux forces que la volonté humaine tire du fonds de sa liberté, au lieu de l’attribuer à celles que lui donne la grâce de Dieu. Cette erreur vient de l’orgueil de l’homme, et ce sont là les pensées de ceux dont parle le psalmiste quand il dit: ” Nous avons été la risée de ceux qui sont riches à leurs propres yeux, et le mépris des orgueilleux “.[1]

                Cette sorte de patience n’est donc pas ” la patience des pauvres “, qui ” ne périt point”[2] et qu’ils reçoivent de Celui qui est souverainement riche, et à qui le psalmiste a dit : ” Vous êtes mon Dieu, vous n’avez que faire de mes biens”[3], de ce Dieu ” de qui vient tout don parfait et toute grâce excellente”[4], et à qui s’adressent ” les cris du pauvre et de l’indigent qui loue son nom”[5] et qui ” demande, cherche et frappe à la porte”[6] , en disant “Mon Dieu, tirez-moi des mains du méchant, des mains de l’injuste qui viole votre loi; car vous êtes ma patience, Seigneur, vous êtes mon espérance dès mes plus tendres années”.[7]

                Mais ceux qui sont ” riches à leurs propres yeux”[8], et qui ne veulent pas reconnaître leur indigence devant le Seigneur, aimant mieux se glorifier d’une fausse patience que de lui demander la véritable, ” se moquent des pensées du pauvre, qui met son espérance en Dieu”[9], et ils ne prennent pas garde qu’attribuer autant qu’ils font à leur volonté, c’est-à-dire à la volonté de l’homme, puisqu’ils sont hommes, c’est encourir ” la malédiction prononcée ” par le Prophète ” contre ceux qui mettent en l’homme leur espérance”.[10]

                Ainsi, lorsqu’il arrivera que pour éviter de plus grands maux, ou de peur de déplaire aux hommes, ou par la complaisance que leur donnent pour eux-mêmes ces forces prétendues de leur volonté superbe, ils souffriront avec fermeté des choses dures et fâcheuses, il faudra leur dire de cette fausse patience, ce que l’Apôtre saint Jacques dit de la fausse sagesse, que ” ce n’est pas là celle qui vient d’en haut “, mais une patience ” terrestre, animale, diabolique”.[11] Car la patience des orgueilleux n’est pas plus véritable que leur sagesse; et c’est celui qui donne la vraie sagesse, qui donne aussi la véritable patience, selon que lui chantait un véritable pauvre d’esprit, lorsqu’il disait: ” Sois soumise à Dieu, ô mon âme, car c’est de lui que vient ma patience”.[12]

IN OEUVRES COMPLÈTES DE SAINT AUGUSTIN, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Raulx, Tome XII, p. 299. BAR-LE-DUC,1866.


[1] Psal. CXXII, 4.

[2] Id. IX,19

[3] Psal. XV, 2.

[4] Jac. I, 17

[5] Psal. LXXIII, 21

[6] Matt. VIII, 7

[7] Psal. LXX, 4, 5

[8] Id. CXXII, 4

[9] Id. XIII, 6

[10] Jerem. XVII, 5

[11] Jac. III, 15

[12] Psal. LXI, 6